Interview de Stéphane Goubet, dirigeant de SG-LINKS, une start-up spécialisée dans les méthodes d’innovation collaboratives notamment basées sur les modèles économiques complexes. Son entreprise développe des logiciels collaboratifs et accompagne les grandes entreprises, les clusters, les pôles de compétitivité mais aussi les structures publiques et parapubliques dans leur optimisation des modèles économiques.
Quels sont selon vous les freins à une réelle innovation collaborative ?
Comme pour beaucoup de choses je dirais que les freins sont liés à deux peurs. La première est la peur des autres : vont-ils jouer le jeu ? Et si j’étais le seul à jouer cartes sur table ?
La seconde est la peur de nous-mêmes. Car aussi curieux que cela puisse paraître il n’y a que quand nous sommes enfants que nous n’avons pas peur de notre imagination. Dès que nous devenons adultes nous devons produire, apporter des solutions, nous spécialiser.
Mais alors qu’est qu’un processus d’innovation collaboratif ?
La notion-même de processus induit des phases, une méthode, une progression vers un résultat. Le concept d’innovation collaboratif pour les modèles économiques veut dire que nous allons chercher à réduire les coûts et à nous différencier en trouvant un meilleur positionnement. C’est très important ce « ensemble » car cela veut dire qu’on implique les gens donc qu’on les respecte et que comme ils se sentent respectés ils vont vouloir mettre en œuvre plus vite ce qu’ils auront trouvé. L’autre chose liée au collaboratif c’est une sorte d’idée d’écologie sociale. En effet, on a la chance d’avoir autour de la table des compétences, des personnalités, des façons de penser, de visualiser, de vivre le social différemment… tirons profit de toute cette richesse au lieu de la formater aux dimensions des post-it. La richesse est là mais il faut simplement un peu de méthode pour la révéler.
Pourquoi avez-vous parlé si longuement des peurs ?
Ah oui, je n’étais pas allé jusqu’au bout de mes pensées. Je pense que la peur de nous-mêmes est en grande partie contenue dans le concept d’ustensilité d’Heidegger : nous sommes ustensiles d’un monde qui nous dépasse et nous transformons à notre tour le monde en ustensile jusqu’à en sur-exploiter ses ressources pour nous donner l’impression de le contrôler. Au niveau individuel, puisque nous sommes nous-mêmes des ustensiles économiques et sociaux, nous devons très vite trouver une utilité, une fonction, une solution,… Nous serions donc culturellement forgés et formés, du moins pour la période moderne, à aller très vite à l’utilité, au résultat et très peu, heureusement de plus en plus, à l’optimisation des ressources.
On est très loin de votre spécialité : les modèles économiques complexes ?
Pas du tout. On y est même tout à fait. Un modèle économique est un système qui part des ressources, des compétences, des équipements de nous-mêmes et de nos partenaires et qui cherche à en optimiser la combinaison. Le but étant de ne pas dépenser plus que ce que l’on a et que la valeur profite au plus grand nombre. Il s’agit donc d’un système qui doit faire au mieux avec ce qu’il a.
La suite de l’interview publié dans « Les Cahiers de l’innovation »