Les réseaux sociaux s’appuient sur un besoin humain central qui est l’appartenance. Au-delà d’une nécessité affective, c’était bel et bien pour l’homme préhistorique un besoin vital : se retrouver seul c’était être sûr de mourir. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui mais on peut dire que ce besoin d’appartenance bien ancré en nous se traduit toujours sous différentes formes :
- L’appartenance sélective (clubs par cooptation) : ce qui donne de la valeur au groupe c’est le fait que tout le monde ne peut pas y entrer. On est entre nous.
- L’appartenance fonctionnelle (dans le cadre de travail par exemple) : les codes (politesse notamment) et rites sont là surtout pour préserver l’ordre social.
- L’appartenance expressive (réseaux sociaux) : on appartient parce qu’on participe (en postant, likant,…). Il s’agit moins de construire un raisonnement, une action que de « réagir à ». De ce fait beaucoup croient appartenir à quelque chose car ils peuvent participer à minima (like) ce qui est difficilement possible dans les autres modes sociaux (on ne peut pas dire constamment « j’aime ce que vous dites » pour montrer qu’on est bien présent même si on n’a rien d’autre à dire).
Les réseaux sociaux sont bien évidemment basés sur ce besoin fondamental. Les échanges entre les membres ont pour première fonction d’entretenir la connexion entre eux et l’existence de chacun. Ainsi même si on ne publie rien sur sa page on a tout de même besoin de liker ou de partager pour montrer qu’on existe toujours parmi le groupe. C’est ce qu’on appelle en linguistique la fonction phatique : entretenir le lien, la connexion sans plus de sens.
Les professionnels diront que les réseaux sociaux servent à faire de la veille. Il est évident que plus le cerveau est alimenté par des nouvelles données , plus il peut les traiter et faire des liens entre elles et entre les personnes.
Mais alors nous devrions tous être extrêmement innovants puisque nous avons accès à énormément d’informations !
Oui et non…
En fait si le volume de données et de connexions a considérablement augmenté, notre filtre de traitement est resté le même. Jean de la Fontaine l’a fort bien résumé : « Chacun croit aisément ce qu’il craint et ce qu’il désire ».
Notre traitement des données et des relations n’est pas rationnelle. Nous saisissons ce qui nous parait être des opportunités à condition que les données entrent bien dans notre grille d’analyse. Nous nous agglomérons immédiatement autour de causes, de centres d’intérêt jusqu’à la prochaine stimulation.
Si nous participons nous sommes surtout observateurs de ces réseaux sociaux. Aussi pour finir nous allons parcourir 4 postures d’observation :
– l’exposition : ce qui se donne à voir aisément, ces articles qui titillent notre curiosité et qui se laissent très vite appréhender dans leur globalité.
– l’obstruction : ce qui est masqué, insaisissable (ou que l’on croit insaisissable) et que l’on souhaite pourtant percer. Ce sont les obstacles que l’ont rencontre et qui nous empêchent d’accéder à…
– l’inaccessibilité : ce qui se refuse à l’observateur, ce qui sort de son cadre de compréhension et de ses repères. L’observateur doit alors abandonner son cadre conceptuel pour adopter celui de l’autre.
– l’accessibilité : Ce qui demande un effort pour être compris mais qui ne demande pas de remise en cause profonde de son cadre conceptuel.
Les deux premières postures sont les plus aisées et vont souvent de paires avec une face passive (exposition) et une réaction-active (l’obstruction : fantasmer et parler sur ce qui se cache derrière). Les deux autres demandent beaucoup d’efforts : intellectuels pour l’accessibilité ; socio-culturel-construction psychologique pour l’inaccessibilité.
Les réseaux sociaux comme internet en général, dans son immédiateté, favorise et sur-développe les deux premières postures or l’innovation nécessite de sortir de ses réflexes et donc de sortir des cadres (à minima « accessibilité » et surtout « inaccessibilité ». Ils ne peuvent donc être que des moyens de rencontrer l’autre.