De nombreux auteurs (Granovetter, Goffman, Coase…) ont montré dans leurs disciplines et à leur façon qu’il ne pouvait pas y avoir de création de valeur sans liens et que plus ces liens étaient nombreux et plus l’ensemble était robuste. Mais ces liens devaient répondre à un certain nombre de critères.
Votre neveu cherche un emploi. Il commence à mobiliser la famille, à faire fonctionner le petit réseau des amis. Or, comme l’a montré Mark Granovetter dans son article de 1973 « la force des liens faibles », le résultat sera très limité. Pourquoi ? Eh bien, parce qu’en restant dans son périmètre avec des personnes qui pensent, fonctionnent comme lui il est très rare qu’il découvre de nouvelles pistes. Il faut donc qu’il élargisse le cercle, tisse des contacts improbables, mais qui pourtant feront toute la différence.
Erving Goffman, Edgar Morin…, mais également un grand nombre de psychologues ont montré la nécessité première des interactions dans le développement des personnes. Autrement dit, ce que sont les personnes est bien moins important que les relations qui unissent leurs actions.
Oui, mais voilà, en économie ça ne fonctionnerait pas de la même façon ou du moins les interactions seraient réduites et contrôlées… il s’agirait de relations d’affaires, et ce pour une question d’efficacité. Ronald Coasse, dans Nature de la firme (1937) a montré qu’il était trop couteux pour une firme de considérer tout le monde comme des sous-traitants (salariés…), car cela la met en négociation permanente. Il serait donc plus « rentable » de stabiliser les relations (quitte à négliger parfois de meilleures opportunités) que de négocier sans cesse.
Alors après avoir « dialogué » avec ces quelques grands penseurs de leurs disciplines quels éléments pouvons-nous tirer pour notre pratique de l’innovation collaborative ?
1- Il faut aller chercher les relations, les parties prenantes le plus loin possible. Ne restez pas à analyser votre environnement. Allez chercher les liens faibles ! Faites des analogies ! Des études montrent que les territoires sur lesquels il y a la plus grande variété de population (artistes, designers, entrepreneurs, sportifs…) sont ceux qui innovent le plus. Cherchez à savoir quelle proposition de valeur votre client fait à son client, qui peut être intéressé par votre client, son client, les propositions de valeur qui vous lie et les lie…
2- Cherchez d’abord à tisser le maximum de liens entre les acteurs de votre environnement et trouvez ensuite une articulation qui coordonne tout le monde vers un grand projet. On a trop tendance à définir une stratégie et à voir ensuite qui peut nous y aider. C’est l’inverse qu’il faut faire… la stratégie se déduit de tous les liens.
3- Si on veut avoir des liens solides et avoir moins besoin de négocier, il est indispensable d’identifier les relations d’interdépendance : que contrôle chacun ? De quoi avons-nous besoin chacun ? Autrement dit, comment on se tient par la barbichette ?
Tisser le plus grand nombre de liens est une nécessité pour les affaires et pour l’économie. Le travers naturel consistant à les réduire (concentration) est une phase qui finit toujours par être mise à mal par la complexité et l’évolution des marchés. Et c’est à ce moment que les systèmes plus collaboratifs reprennent la main.